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BARBE Pierre
Nous avions annoncé dans le Courrier du Cap précédent
le décès de ce vieux camarade, sans pouvoir vous donner un aperçu de sa carrière.
Son fils, monsieur Patrick Barbé, nous a envoyé une lettre très émouvante
que nous reproduisons ici et qui certainement intéressera ceux d’entre nous
qui l’ont connu :
Je
vous prie d’excuser très vivement le retard apporté à répondre à
l’aimable lettre que vous avez adressée à ma Mère à l’occasion de la
mort de mon père le 8 mai dernier 1974. Pour répondre à votre demande, nous
avons compulsé, les notes qu’il avait accumulées sur la passionnante
aventure de sa jeunesse à bord des derniers grands voiliers. J’essaierai dans
les lignes qui suivent, sans graves omissions, de résumer ce que fut sa vie qui
nous fut si brutalement ravie le mois dernier et qui fascina ma sœur et moi dès
notre enfance et plus encore les petits enfants que nous avons eu la joie de lui
donner. Ma famille et moi sommes très sensibles à l’intérêt que vous avez
manifesté à notre cher marin et je me fais l’interprète de tous pour vous
adresser l’assurance de nos sentiments les meilleurs.
Pierre
Barbé naquit le 6 août 1902 à Nantes, perdit son père en 1908, puis son frère
aîné en 1914, tous deux de maladie, d’où bouleversement de la vie
familiale, à l’origine aisée, son père ayant un bon portefeuille de représentant
en alimentation. Barbé qui avait toujours rêvé d’être marin, dut
abandonner ses études secondaires après la 3ème et fit son premier
embarquement sur le 3-mâts ADOLPHE de la Maison Bordes, le 16 juillet 1919, il
n’avait pas 17 ans. Ensuite en 1920, embarquement sur le MAGUY (Armement
Gillet), pour passer en 1921 matelot léger sur le VILLEBOIS MAREUIL de la Sté
Générale d’Armement, à bord duquel son apprentissage à la mer fut le plus
rude, avec passage du Horn. Ce voyage est raconté dans le livre Marins d’Hier
de Marcel Arsoin.
Toutefois,
dès cette époque, les désarmements devenaient de plus en plus fréquents, et
le passage des équipes de plus en plus court sur les voiliers (Citons le 3 mats
carré THIERS, puis le DESAIX). Après un court passage au canal de la Martinière,
où les voiliers étaient désarmés, puis sur le vapeur HOMECOURT (capitaine
Georges Aubin), et un bref séjour à la Marine Nationale, nous arrivons en 1923
à ce qui faillit bien être son dernier embarquement, je veux parler de son
retour sur le PAGUY, sur lequel il fit naufrage au large des Açores en janvier
1924. La survie de l’équipage fut la conséquence de la présence
exceptionnelle à l’époque sur un voilier, de Dame Radio : le S.O.S. fut capté
par le vapeur suédois BOREN
Au retour de ce tragique voyage, passage
sur les voiliers désarmés à la Martinière pour préparer l’examen de
capitaine de la Marine Marchande.
En
1925, après un court passage sur le vapeur YSER, embarquement sur l’un des
tout derniers grands voiliers de la belle époque, le GENERAL DE NEGRIER,
capitaine Prat, Armateur S.G.A., en qualité de 1er lieutenant. Route des côtes
d’Afrique l’une des plus longues et pénibles traversées (150 jours),
surtout pour un jeune marié du mois d’octobre 1926.
L’époque
de la voile s’acheva pour mon père en novembre 1927 avec le désarmement du
GENERAL DE NEGRIER et c’est le vapeur CRUEY qui verra s’achever sa carrière
au long cours en mai 1929, sous l’influence de ma mère...problème bien classique pour les marins !
Toutefois,
ce n’était pas pour autant la rupture totale avec l’élément liquide,
puisque, après avoir participé à la construction de l’écluse de l’Erdre,
pour le compte de l’Entreprise Bernard, mon Père entre au service des Ponts
et Chaussés (service Maritime), comme patron de drague à godets, puis suceuse
RENE LE BESNERAlS dans l’estuaire de la Loire. Enfin de 1941 à 1962, mon père
achève sa carrière comme capitaine d’armement à la subdivision de Paimboeuf,
c’est à dire comme conseiller technique maritime pour les ingénieurs des
Ponts et Chaussées, pour les ports de Paimboeuf, Donges, St Nazaire dans une période
cruciale puisqu’elle s’étend de l’occupation Allemande à la remise en état
des matériels et chenaux après la guerre et s’achève avec
l’agrandissement des chenaux de la Loire à peu prés tels qu’ils sont
connus aujourd’hui.
Je suis
heureux que vous ayez pu, grâce au dynamisme de votre Amicale, donner à mon père,
à titre posthume, l’occasion de faire revivre par la pensée et l‘écriture
cette dure époque, qui représentait avant tout pour lui sa jeunesse et de
retrouver ainsi de fidèles amis animés de la même passion.